lère PARTIE : LA LEGISLATION ROYALE CONTRE LES TOURNOIS AU XIVème SIECLE

 

I) LA PROGRESSION DANS LA REPRESSION
 

A) LES ORDONNANCES de PHILIPPE LE BEL

1) Les précédents

Longtemps le tournoi resta l'affaire de la noblesse féodale, les rois se tenaient à l'écart de cette pratique, à l'image de Philippe Auguste qui interdit à ses héritiers de tournoyer.  La seule tentative de réglementation qui nous soit connue est due à Louis VII et trouve son origine dans les débordements d'un tournoi au Mont Saint Michel qui dégénéra en une rixe entre Angevins et Normands.  Le roi reçut des plaintes et c'est en tant que suzerain qu'il prit des dispositions afin que de semblables situations ne se reproduisent plus, Vulson de la Colombière (13) évoque son ordonnance de Juillet 1163 consignée dans les registres de la Cour qui interdit le tournoi aux barons s'il n'est pas pratiqué avec des armes courtoises.

Il faut attendre 1260 pour trouver la première interdiction royale, elle se place dans un contexte particulier, les chrétiens viennent d'être défaits en Terre Sainte et en Arménie, de plus selon Guillaume de Nangis (14) le décret ne porte que sur deux ans.  Il semble toutefois que l'interdiction fut suivie d'effets si l'ont en croit le réquisitoire contre Saint Louis dans le roman de Ham (15)

"Icil rois dont je vous recoit
Ou fust a droit ou fust à tort
Il desfendi le tournoiier"

Son successeur, Philippe III mène une politique ambigüe, Michel Parisse (16) cite une lettre du 22 Avril 1279 qui fait allusion à une révocation récente par le roi de l'Edit interdisant les tournois et sa présence est attestée à un tournoi.  Pourtant en 1280, il les interdit de nouveau.  Donc au XIIIème siècle s'ébauche une politique royale visant à contrôler les tournois qui rompt avec le laisser faire antérieur, mais les mesures prises correspondent essentiellement aux nécessité du moment.  Philippe IV n'est donc pas un novateur, l'intervention royale est déjà un usage établi, toutefois, il est le premier à appliquer une politique d'interdiction systématique et suivie.

2) Les ordonnances «  durante guerra regis »

A propos de la législation sur les tournois, il faut distinguer les ordonnances à l'échelle du royaume faisant force de loi et les mandements locaux visant à pallier à l'inapplication des ordonnances, mais les étudier séparément empêche d'apprécier la progression dans la législation.

a) l'ordonnance de 1296

A la Toussaint Philippe IV publie une ordonnance par laquelle le roi défend les guerres privées, les gages de bataille et les tournois tant que sa guerre durera.  Cette ordonnance est caractérisée par deux traits principaux, elle est réduite au strict minimum, ne contient ni clauses particulières ni menaces de répression et elle proscrit en même temps différents faits d'armes, dont le tournoi.  Sa seule justification est la guerre que soutient le roi en Guyenne.  Les rivalités étaient fortes et anciennes entre le roi de France et son vassal trop puissant le duc de Guyenne, également roi d'Angleterre.  Des incidents navals déclenchent le conflit, l'armée anglaise victorieuse dans les premiers mois de 1294 est en difficulté en 1295 et au printemps 1296 la majeure partie du duché est occupé.  IL peut paraître paradoxal que cette ordonnance soit publiée précisément quand la guerre est gagnée, mais le contexte diplomatique lui donne tout son fondement, en effet, les incidents se multiplient avec le Comte de Flandres qui se rapproche d'Edouard I auquel il s'allie en 1297.  Philippe a donc plus besoin que jamais que ses forces soient opérationnelles, la guerre menace d'éclater sur deux fronts.

b) les ordonnances de la guerre des Flandres

L'année 1304 voit la promulgation de trois séries de mandements locaux, justifiés par la guerre, une telle profusion laisse présager que la situation est grave.  La guerre des Flandres a éclaté en 1297 et a tourné à l'avantage du roi qui occupe le Comté.  Pourtant la dureté de l'administration du Gouverneur laissé par le roi génère une émeute, les insurgés s'organisent militairement et triomphent de la chevalerie française le Il Juillet 1302 à COURTRAI.  Ce qui met le roi dans une position difficile, il ne peut se permettre une nouvelle défaite et doit pouvoir lancer toutes ses forces dans la bataille pour sauver le prestige de la monarchie.

le mandement de Janvier 1304

Le mandement envoyé à quinze baillis du royaume nous apprend qu'en 1304, l'ordonnance de 1296 est toujours applicable puisque le motif du mandement est de réprimer deux qui "ont été as tournoiemens, contre nostre deffence".  Donc, le roi considère le royaume en état de guerre permanent pendant ces huit années.  Les infractions prennent d'autant plus d'ampleur en ce début de 1304 que le roi n'ayant pas obtenu pendant la campagne de 1303 de succès décisif, il a plus que jamais besoin de pouvoir compter sur la totalité de son potentiel militaire.  Par ailleurs, les tournois qui ont eu lieu contre son interdiction sont une menace à son autorité, aussi il ordonne que les contrevenants soient sanctionnés: « prenez leurs personnes et mettez en prison et toute leur terre saisiez et mettez en nostre main".  Ce texte marque le passage à la répression, tournoyer est devenu un délit sévèrement réprimé, mais il va au delà, il met en place un dispositif juridique qui est un précédent.  Il étend les sanctions à ceux qui porteraient assistance au tournoyeur : "que nus, sus peine de perdre cors et avoir, de quelque condition que il soit, ne soit si hardi, que il héberge, ne reçoive nul gentilhome allanz  as tournoiements" ; il essaie de couper le tournoyeur du reste de la société allant jusqu'à interdire de commercer avec lui : « que nul marchanz ou autres personnes ne soient si hardi, sur quantque il se püent meffaire vers nous, qu'il ne meinent ou facent mener par autres chevaux, harnois, ou armeures, vivres ou autres choses aus marchiez ou as lieus, où seront lesdiz  tournois ». Ces dispositions dénotent d'un grand souci pratique, elles visent à rendre matériellement impossible la tenue des tournois, en revanche, elles montrent que le roi ne s'attend pas à être obéi.  D'ailleurs le ton du mandement n'est pas assuré, il commande de punir les contrevenants "si estroitement comme nous poons", ce qui donne l'impression d'une désobéissance générale, l'ordonnance précédente est restée lettre morte.  Aussi le roi montre sa colère et sa détermination dans la dureté des sanctions prévues, le tournoyeur fait courir des risques à ceux qui auraient des contacts avec lui, le roi tente de la discréditer aux yeux du reste de la population, le punissant comme un vulgaire hors la loi.  Ce mandement marque juridiquement une étape décisive, il cherche à marginaliser le tournoyeur.  La progression dans la façon d'appréhender le problème est tellement énorme qu'elle amène à suspecter l'existence entre 1296 et 1304 d'une ordonnance que nous aurions perdue d'autant plus que des indices plaident pour cet argument, le roi allègue avoir « expressement deffendu, que nul de noz diz subgez...ne soit si hardiz de faire, ne de assembler tournoiements, ne d’i aller en nostre Royaume, ou hors » alors que dans l'ordonnance de 1296 il n'interdit nullement d'aller tournoyer en terre étrangère.

Le mandement du 13 Avril 1304

Ce mandement est proclamé à trois mois de distance du précédent et il n'apporte aucun élément nouveau.  Philippe allègue avoir eu écho d'infractions : "nous entendons que plu-seurs gentizhommes de vostre baillie, et du ressort ont esté, et sont desobeissant et rebelles" toutefois le même modèle étant envoyé à seize baillis différents, il est probable que le roi prêche le vrai pour savoir le faux, son principal souci est de rappeler sa détermination à ses baillis et de montrer l'intérêt qu'il porte à la question afin qu'ils n'adoptent pas une attitude de passivité bienveillante à l'égard des tournoyeurs.  En effet, les baillis sont nobles et il est probable qu'ils rechignent à arrêter leurs semblables pour des motifs qu'ils n'approuvent pas nécessairement.  Le fait que le roi termine tous ses mandements par des menaces montre bien que le tournoyeur bénéficie d'une complicité au plus haut niveau.  Ici encore "Et de ce soiez si diligent et si curieus que il ni ait défaut par vostre colpe dont vous doiez estre puniz".  Le roi explique ce qu'il attend de son bailli, tout d'abord un travail d'enquête,: "vous enquerez si diligeaument comme vous pourrez" mais également d'information : "Et faites tantost ladite defense en toutes les bonnes villes de vostre ballie renouveller par cri si efforciement comme vous pourrez".  Le texte n'apporte aucune nouveauté sur le plan de la répression, les peines restent les mêmes, le rôle du bailli est la dissuasion en revanche il a les pleins pouvoirs pour l'emploi de la force.

le mandement du 5 Octobre 1304

Ce mandement correspond au souci de réactualiser l'interdit alors que l'ost royal vainqueur des flamands à Mons en Pévèle le 18 Août 1304 vient d'être dissout, même si la victoire est acquise, la paix n'est pas signée et Philippe prolonge l'interdiction.  La saison des tournois va commencer et ceux-ci étant criés à l'avance, il n'est pas surprenant que les rumeurs en soient parvenues à la cour : "Intelleximus quod nonnulli nobiles regni nostri ad torneamenta facienda se parant", le roi peut donc prendre les devant en les interdisant de nouveau, sa seule justification est le contexte de guerre alors que le danger est écarté.  Ce mandement consiste à repousser l'interdiction d'une année, la prohibition commence à prendre des allures définitives.

3) Les ordonnances justifiées par la situation Antérieure

1 a) les mesures

le mandement du ler septembre 1305

Un an plus tard, Philippe réitère l'interdiction de tournoyer, la paix a été signée en Flandres et ce n'est plus l'intérêt de la guerre qui justifie cette mesure.  Le fait que ce mandement fut envoyé au seul bailli de Vermandois est le signe que des infractions réelles avaient été commises.  Le roi est bien renseigné : "in Balliviâ vestrâ quamplures torneandi, non sine dicte inhibitionis contemptu temerariam audaciam assumentes in propatulo se et propalam exponere presumpserint'.  L'autorité royale a été bravée et le roi est forcé de réagir, il en profite pour rappeler à l'ordre son bailli qui porte sa part de responsabilité : "quorum temeritati vos non obviasse" et lui reproche sévèrement sa négligence.  Le roi prend en temps de paix des mesures qui vont à l'encontre des libertés élémentaires, tout contact avec les tournoyeurs est prohibé, tout particulièrement le commerce, l'interdit autour du tournoi est total.

Pour bien montrer que la question des tournois est une affaire d'etat, il ordonne que les contrevenants soient "sub fidu custodia mittentes, in Castelleto nostro Parisius" et que "equos et harnesia in scutiferia nostra sine spe recuperationis eisdem applicanda", cette volonté centralisatrice est symbolique, les prisonniers sont destinés à ' être montres depuis le Châtelet à toute la France, le roi souhaite faire des exemples, il l'explique : "penaque predictis transgressoribus inflicta, ceteros a simili presumptione compescat".Si dans un premier temps l'intérêt de la guerre a été la principale préoccupation du roi, à travers les désobéissances c'est le pouvoir royal qui est contesté, aussi par ce mandement il montre qu'enfreindre la loi sur les tournois est porter atteinte à la majesté royale.

l'ordonnance du 30 Décembre 1311

Six années séparent l'ordonnance du précédent mandement, elles constituent une période de paix durant laquelle l'absence de documents incite à penser que la législation contre les tournois marque une pause.  Pourtant en 1311 alors qu'aucun évènement extérieur ne le justifie, le roi ressent la nécessité d'interdire de nouveau les tournois.  Cette ordonnance constitue un précédent, ce n'est pas l'interdiction en elle même qui est nouvelle mais sa justification.  Le texte pose le principe que le tournoi est incompatible avec la paix du Royaume : " Periculis et incommodis que ex torneamentis, congregationibus armatorum et armorum portationibus, in universis regni nostri partibus hactenus provenisse noscuntur obviare volentes".  La mesure est lourde de conséquences, alors que jusqu'ici le roi justifiait sa décision par l'état de guerre déguisant ainsi une partie de ses véritables préoccupations, la franchise de l'ordonnance signifie à terme la disparition du tournoi.  Il est ressenti comme une menace pour l'ordre intérieur à cause des dégâts occasionnés mais également à cause de la concentration d'hommes armés qu'il implique.  En interdisant le port d'armes le roi essaie de remédier au climat d'insécurité, la mesure est hardie puisqu'elle va à l'encontre de ce que la noblesse considère comme un droit fondamental, son application risque d'être délicate, aussi le roi se donne les moyens d'imposer sa paix, outre les sanctions habituelles, confiscation de l'équipage, des terres et l'emprisonnement, le texte prévoit la saisie de leurs héritages et de l'ensemble de leurs biens, ce qui est particulièrement dissuasif. Le déploiement d'un tel arsenal répressif montre que le roi en fait une affaire personnelle et l'évolution de sa politique est concrétisée par la durée de l'interdiction : "torneamenta prohibitionem durare volumus quamdiu duntaxat nostre placuerit voluntati ", elle ne dépend désormais ouvertement, que de la volonté du roi.

b) la systématisation de l'interdit

le mandement du 28 Décembre 1312

Ce mandement vise à réprimer les manquements faits à l'ordonnance de 1311, c'est la première fois que Lyon.est concernée, ce qui s'explique aisément, la ville vient juste d'être acquise au domaine royal et donc n'a pas connu les interdictions antérieures.  Le mandement est au nombre de ceux dans lesquels le roi allègue des faits précis, il regrette que "plusieurs nobles personnes de nostre garde aient esté et soient allez au tournoiement par plusieurs fois à joustes  et Tupineiz".  Les sanctions prévues sont celles des mandements précédents toutefois celui-ci se démarque des autres par son indulgence relative : "quant il auront amendé, si leur faites jurer sus  sains et avec ce leur defendez de par nous sus poine d'ancourir nostre indignation et de tenir  prison chascun un an et sus poine de perdre une année chacun les fruiz de sa terre, qu'ils tendront les Ordenances que nous avons fait sus le fait d'armes".  En exigeant un serment le roi fait appel à l'honneur chevaleresque, ce qui est adroit dans une société où le respect de la parole donnée est fondamental.  Cette façon de procéder et cette relative clémence ne s'inscrivent pas dans la logique de la politique royale qui était sans concession, mais la modération du roi témoigne du souci de ne pas monter la chevalerie locale contre son autorité alors qu'elle vient juste de rentrer sous sa juridiction.

l'ordonnance du 5 Octobre-1314

La dernière ordonnance de Philippe IV plus que de la maturité de la législation sur les tournois témoigne de l'instabilité qui marque la fin de son règne.  Elle se caractérise par un effort de justification qui n'est pas aussi important dans les autres ordonnances.  Le roi légitime sa décision par "la grant destruction et mortalité de chevaux, et aucunes fois de personnes", il accumule les arguments allant jusqu'à inscrire sa politique dans la continuité de celle du pape : "par la Sainte Eglise de Rome a esté deffendüe sus peine d’excommeniement ", il finit par avancer une raison qui jusqu'alors se suffisait à elle-même : "orendroit nous avons guerre en aucune partie de nostre royaume". Ces deux arguments peuvent surprendre quand on sait que c'est lui-même qui a demandé la levée de l'interdiction papale et que la guerre évoquée n'aura pas lieu, l'ost ayant été dissout, elle n'aura été que le prétexte à lever des impôts.  La préoccupation du roi est de mettre le plus de monde possible dans son camp, d'ailleurs il présente sa décision comme le fruit "du conseil et de l’assentement des prélats et barons de nostre royaume", l'unanimité décrite est plus que douteuse et contredite par les évènements de la fin du règne.  Que le roi ressente le besoin de justifier l'interdiction démontre que toutes les ordonnances précédentes n'ont pas réussi à lui donner le fondement requis.  Le meilleur argument du roi pour légitimer sa décision est de mettre sa personne dans la balance, tournoyer devient une atteinte à la majesté royale : "nous le tenons pour atteint et forfait a nous en cors et en biens".  Les sanctions sont à la mesure de l'importance que le roi accorde à l'affaire, comme dans le mandement de 1312 la peine de prison et la confiscation des revenus s'étendent sur un an.  Une nouvelle peine apparaît : "la meilleure de touttes les  maisons que elle ara soit abatüe tout et arasée", celle-ci servira d'exemple en même temps qu'elle symboliser la présence du pouvoir royal.  En cherchant à atteindre le tournoyeur en ce qu'il a de plus cher, le roi montre sa détermination mais en même temps la difficulté qu'il a à se faire obéir, en 1314 la répression des tournois atteint son maximum.

B) LA POURSUITE_DE_LA_POLITIQUE_DE_PHILIPPE_LE_BEL

1) Ses fils

LOUIS X
A la mort de Philippe IV, les nobles se liguèrent et réclamèrent le retour à leurs anciens usages que le pouvoir royal avait progressivement grignotés.  Le roi fut contraint de traiter et leur accorda l'essentiel des garanties réclamées, au premier rang desquelles apparaît le droit d'armes.  Ainsi le sixième article de l'ordonnance d'Avril 1315 concernant le duché de Bourgogne, les évêchés de Langres , d'Autun et le Comté de Forez stipule : "que le dit noble puisse et doient user des armes,  quant leur plaira et que ils puissent guerroier et contregagier.  Nous leur octroions les armes et les guerres en la manière que il en ont usé et accoustumé a user anciennement".  Le mot tournoi n'est pas cité mais l'expression ""eA du wm"" l'englobe.  Louis X accorde donc ce que son père a combattu durant tout son règne, mais il n'a pas le choix.  Son court règne, de 1314 à 1316 fut probablement un âge d'or du tournoi, la noblesse féodale pouvait sans risque se livrer à une pratique interdite depuis près de vingt ans.

PHILIPPE V

Le règne de Philippe V marque la reprise en main du royaume par le roi, il renoue avec la politique de son père puisque la noblesse n'a plus les moyens de s'y opposer.  En ce qui concerne les tournois, Philippe V, promulgue le ler Avril 1316 une ordonnance qui s'inscrit dans la directe lignée des précédentes même si dans la théorisation de l'interdit elle va plus loin.  Le roi interdit le tournoi parce qu'il veut préserver "la pais et la tranquillité de nostre royaume", le tournoi est décrit comme une pratique barbare qui s'oppose à "Costume et justice", ce qui fonde juridiquement sa répression, l'interdiction n'est par conséquent pas une mesure arbitraire mais s'inscrit dans le cadre de l'exercice de la justice.  Philippe ne se donne même pas la peine de lier l'ordonnance avec la reprise de la guerre en Flandres, les désordres causés dans la paix sont une cause suffisante, toutefois l'incompatibilité du tournoi avec la guerre est réaffirmée à travers le souci de ménager les troupes qui doivent se croiser: "le dit voyage d'outre-mer que nous  avons tant à cuer et chascun doit avoir, pourroit, estre delayez".  Les sanctions envisagées n'ont jamais été si légères, elles se réduisent à l'arrestation et à la saisie de l'équipage, signe que le roi contrôle la situation.  Que l'ordonnance n'ait pas d'échéance autre que le bon vouloir royal : "les dites joutes et tournois souspendons et deffendons par tout nostre royaume, jusques à nostre volenté" et que le roi n'ait plus eu besoin de produire d'autres ordonnances démontrent que désormais il a imposé son contrôle sur les tournois.

2) L'ordonnance de 1405

En 1368, une ordonnance en faveur du monastère de Vaucelles fait allusion aux "tirociniis torneamentis" à travers les exactions commises par le seigneur local au détriment du monastère, mais il faut attendre 1405 pour qu'une nouvelle ordonnance royale soit proclamée et encore elle ne concerne pas les tournois mais exclusivement les joutes.  A son origine se trouvent des faits précis, des joutes sont sur le point de se tenir, les organisateurs les ont déjà "fait crier et publier en plusieurs lieux de nostre dit royaume", pour cette raison le roi est en mesure de citer leurs noms, il s'agit de « Jehan de Garencières le jeune, le sire de Boqueaux, Françoys de Gringnaulx et autres », le roi est parfaitement renseigné ce qui contraste avec les ordonnances du début du siècle qui ne faisaient jamais état que de rumeurs.  Le roi désapprouve la tenue des joutes à cause des "haynes, debas et controverses qui pour occasion de ce, seroient en voye de mouvoir entre eulx ou autres, dont très grans inconveniens s’en pourroient ensuir", mais le roi était un jouteur passionné et ces joutes ne constituent un désordre que parce qu'elles ne sont pas faites sous son égide.  Le roi est mécontent que sa permission n'ait pas été sollicitée et profite de l'incident pour réactualiser l'interdiction des faits d'armes par tout le royaume, les contrevenants s'exposant à "la prinse de leur corps et bien".  Au début du XVème siècle, la réglementation des faits d'armes reste du ressort du conseil du roi, les joutes sont des entreprises encadrées par les autorités, l'autorisation du roi est indispensable.

3) La répression locale

Après la profusion d'ordonnances contre les tournois au cours des vingt premières années du siècle, la répression s'arrête brutalement, de 1316 à 1405 il n'est produit aucune ordonnance royale, la question des tournois ne semble plus être une priorité.  Toutefois, localement, les agents royaux continuent à réprimer les joutes et les tournois, Philippe Contamine (17) cite une ordonnance tirée des comptes du baillage de ROUEN datée du mardi d'avant la Toussaint 1333 qui est destinée à faire "crier et publier par tous les lieux notables de la vicomté que nu ne fust si hardi que il  alast à joustes ne a tournoiz ne ne fust nul fait d'armes", les peines sont lourdes et inspirées des ordonnances de Philippe le Bel : "que tous les nobles qui avaient esté au tournoy d'entre Duden et Platon fussent mis en prison sans recroire  et que tous leurs biens meubles et héritages fussent mis et convertis en domaine du roy".  De nombreux exemples de ces ordonnances ont été conservés, ainsi en 1344 le sénéchal de Beaucaire interdit les joutes préparées à Lunel en l'honneur du duc de Normandie en visite ou encore en 1347, le sénéchal de Toulouse interdit aux nobles de tournoyer et de jouter mais également de sortir du royaume pour se battre (17).  La répression des joutes et tournois est devenue une opération courante qui incombe aux baillis et sénéchaux et qui ne nécessite plus l'intervention royale.  Au temps de Philippe le Bel, les ordonnances étaient rendues nécessaires par la négligence des représentants du roi qui étaient constamment rappelés à l'ordre, désormais ils sont en mesure de faire appliquer les décisions royales. Alors qu'auparavant les ordonnances interdisaient d'abord les tournois et après les joutes, c'est désormais le contraire, les décrets concernent presque exclusivement les joutes et de plus en plus à mesure que l'on avance dans le siècle, ainsi en 1355, le Comte d'Armagnac en tant que lieutenant du roi interdit uniquement des joutes qui devaient se dérouler à TOULOUSE à l'occasion des fêtes de la Saint Georges.

C) LES RESULTATS DE LA LEGISLATION CONTRE LES TOURNOIS

1) Les tournois après 1316

Les ordonnances locales montrent que les joutes constituent l'essentiel des rencontres, les tournois semblent marginaux.  Comment expliquer ce soudain revirement ? En effet, les ordonnances de Philippe le Bel indiquent une recrudescence des tournois tandis qu'après 1316 ils semblent avoir pratiquement disparu, la rupture est trop brutale pour ne pas soulever un problème.  Il n'est pas plausible que les ordonnances aient été si nombreuses et si véhémentes si les tournois n'avaient réellement gêné le roi. La confusion terminologique entre joutes et tournois pourrait expliquer cette disparition si rapide, mais ce n'est pas le cas puisque la plupart des mandements interdisent uniquement les tournois, les joutes n'étant mentionnées que dans une partie d'entre eux.  Aussi il ne faut pas hésiter à voir dans le déclin des tournois le succès de la politique d'interdiction.

2) Le contrôle des tournois

Vingt années se sont passées entre la première ordonnance de Philippe le Bel et celle de Philippe V, la génération concernée a du être profondément marquée par les interdictions et a perdu progressivement l'habitude de tourn yer, l'application des sanctions rend impossible la participation au tournoi, les risques sont trop importants.  Désormais il est reconnu que les tournois non autorisés troublent l'ordre public.  Eh revanche, ils continuent à se tenir avec l'autorisation du roi, le 4 Septembre 1331, Philippe de Valois permet à Amaury, vicomte de Lautrec "de tenir à Réalmont une jouxte et une table ronde qu'il avait fait crier et publier à certain jour" (17).

Jouter ou tournoyer est devenu un privilège qui dépend de la faveur royale, une fois l'organisation anarchique des tournois jugulée, il redevient un phénomène de chevalerie légitime.  Le roi ne voulait pas la disparition totale des tournois, en témoigne la requête de Philippe le Bel auprès de Clément V pour qu'il lève son interdiction, (18) mais simplement les contrôler, c'est chose faite en 1316.  Le même phénomène se produit en Angleterre, (19) de 1232 à 1259 sont rédigées de nombreuses ordonnances prohibant les tournois puis soudainement les interdictions cessent parce qu'elles ne sont plus nécessaires.  La comparaison avec la politique menée en Angleterre permet de mieux comprendre la portée et les lacunes de celle des rois de France.

3) Comparaison avec l'exemple anglais

L'histoire du tournoi en France et l'histoire du tournoi en Angleterre est imbriquée l'une dans l'autre, parce que les rois anglais étaient seigneurs de terres importantes en France où ils livrèrent leurs principales guerres et parce qu'en matière de chevalerie le modèle français fut longtemps imité.  La politique anglaise de réglementation des tournois fut plus précoce, elle démarre dès le début du XIIIème siècle et les interdictions plus fréquentes, ainsi entre 1232 et 1241 il y a 42 Interdictions alors que les rôles de chancellerie manquent pour 1239 - 1240 (19).  Les archives anglaises sont particulièrement précieuses puisqu'elles ont conservé des exemples d'application des peines promises aux tournoyeurs, ainsi en 1223 après le tournoi de BLYTH, quinze barons eurent leurs terres confisquées de un mois à dix semaines (20), en 1261 des chevaliers tournoyèrent contre l'interdiction, leurs terres furent saisies mais ils furent rapidement pardonnés (21), ce qui laisse présager que l'application des sanctions en France fut tout aussi modérée, la présence des mots "rendre", "recroire", "délivrer" dans presque toutes les ordonnances plaide pour cet argument, ce qui par ailleurs peut expliquer la difficulté à imposer l'interdiction de tournoyer.  Il est improbable que les ordonnances anglaises aient influencée celles de France qui s'accompagnent de sanctions plus dures, allant jusqu'à un an de prison et l'arasement de la principale demeure, cette différence tient au fait que le contrôle des tournois a du s'imposer sur une période plus courte.  Les souverains anglais ne s'en tiennent pas à une interdiction totale, ils ont parfois cherché à faire évoluer le tournoi de l'intérieur, à l'image de Richard I (22) qui en 1194 établit une taxe lourde mais proportionnée pour sélectionner les participants et exige un serment de paix ou encore en 1292,,Edouard I (23) qui dans son Statuta armorum établit des règles en douze points cherchant à réprimer les abus les plus criants.  Au total en France comme en Angleterre, les infractions aux ordonnances sont nombreuses, mais à la différence des rois de France, les souverains anglais ayant compris que l'habitude de tournoyer était trop puissamment ancrée pour qu'une politique de prohibition totale ait des chances d'être effective, ils lui préférèrent une politique de contrôle associée à un patronage des autorités et la transition fut moins brutale qu'en France.

II) LE TOURNOI A TRAVERS LES ORDONNANCES

L'intérêt des ordonnances ne se limite pas à l'étude des dispositions juridiques, elles permettent de comprendre ce qui fait la spécificité du tournoi au XIVème siècle et démontrent qu'il est plus que jamais un phénomène agissant dans la société.

A) LA PRATIQUE DU TOURNOI

1) Dans le temps

a) ordonnances à termes

Les ordonnances sur les tournois sont toujours
limitées dans le temps, jusqu'en 1311 elles sont applicables "durante guerra regis", ce qui ne signifie pas seulement que les tournois sont interdits pendant le déroulement des opérations militaires mais également après la dissolution de l'ost, en témoigne le mandement de Janvier 1304 qui stipule "nous aions entendu, que aucunes personnes de vostre baillie, puis nostre revenüe de Flandres darenière ont été as tournoiemens" et les infractions montrent que si la chevalerie se plie à la discipline militaire pendant la campagne, c'est au dessus de ses forces pendant la période hivernale où elle n'a pas d'autre occupation.  Avec le retour de la paix, les interdictions s'espacent et en 1312 le roi expérimente un patronage des tournois, l'interdiction est prévue "jusques à ladite feste de Saint Rémy" et donc à partir du premier Octobre, joutes et tournois se déroulent sous l'égide du roi, cette mesure est beaucoup plus réaliste, la chevalerie peut attendre l'ouverture de la saison des tournois sans enfreindre la loi, toutefois l'expérience fut de courte durée puisqu'en 1314, le roi prolonge l'interdiction juste après la Saint Rémy.  Les dernières ordonnances s'en tiennent à l'esprit de celle de 1311 qui stipule que la prohibition "durare volumus quamdiu duntaxat nostre placuerit voluntati", le roi se réserve une totale liberté d'action en matière de tournois et en 1316 ils sont interdits "jusques à nostre volenté".  Mais jamais l'interdiction des tournois n'a été définitive, l'ambition du roi se borne à les contrôler.

b) les dates des ordonnances

Les ordonnances sont rédigées à des dates similaires, trois le sont en Avril (1304,1315,1316) , quatre en automne (1296,1304,1305 et 1314), dont deux en Octobre et deux en Décembre (1311, 1312), une seule l'est en Janvier (1304).  Donc les mois d'Avril, d'Octobre et de Décembre regroupent à eux seuls 70 % des ordonnances sur une durée de vingt ans, le hasard ne peut alors pas fournir une explication. Avril, est le mois où l'ost s'apprête à partir en campagne et les troupes doivent donc être ménagées. Les ordonnances produites en automne sont de caractère préventif et cherchent à empêcher les tournois qui commencent à se tenir à cette époque.  La Saint Rémy est souvent citée dans les textes et peut donc être considérée comme la date marquant le début de la saison des tournois.  Les ordonnances produites en hiver visent à réprimer des infractions déjà commises mais divers indices montrent que les tournois ont également lieu l'hiver, le mandement de 1305 interdit de livrer tout ce qui peut être utile au tournoyeur, notamment le fourrage qui est indispensable à un cavalier itinérant à cette saison et Antoine de la Sale au XVème siècle explique que les tournois se déroulent surtout par temps froid "pour le grant traveil que y est" (24).  La seule saison où ils ne semblent pas se dérouler est l'été, la grande chaleur rend les conditions de combat impossibles, les chevaliers couraient trop de risques sous leur armure, d'ailleurs l'hécatombe qui eut lieu au tournoi de Nuys près de COLOGNE en 1240 fut causée par la poussière (25).  La pleine saison des tournois est donc l'automne et l'hiver, ce qui s'explique par les conditions climatiques mais aussi par les impératifs de la guerre qui reste la principale occupation de la noblesse, les chevaliers désoeuvrés s'entraînant le reste du temps à la pratique des armes dans les tournois.

2) dans l'espace

a) destination des mandements

Les ordonnances, hormis celle de 1316, concernent l'ensemble du Royaume, en revanche les mandements visent parfois à prévenir ou à réprimer les abus localement, pour cette raison ils apportent de précieux renseignements pour déterminer les endroits où la chevalerie était la plus active.  Ainsi, les mandements de Janvier et Avril 1304, de 1305 et l'ordonnance de 1316 sont adressés à une partie seulement des représentants royaux.  Ils montrent que c'est en Vermandois que les infractions sont les plus criantes, son bailli est celui qui reçoit le plus grand nombre de rappels à l'ordre et il fait même l'objet en 1305 d'un mandement particulier.  Mais par le nombre des baillages concernés, c'est la Normandie qui apparaît comme la terre privilégiée des tournois puisque sur les dix neuf baillages, sénéchaussées et prévôtés concernées, plus du quart se trouvent dans le duché, CAEN, CAUX, ROUEN et GISORS sont concernés par tous les mandements et COUTANCES par deux d'entre eux.  TOURS apparaît également toujours et est même citée avec AMBOISE dans l'ordonnance de 1311.  L'Ile de France parait également un haut-lieu des tournois, PARIS, SENLIS et VITRY sont tout particulièrement visés.  Enfin, AMIENS, BOURGES, CHAUMONT et ORLEANS sont systématiquement touchés.  En fait, les baillages concernés par les mandements sont toujours à quelques exceptions près les mêmes et représentent environ la moitié de la trentaine de baillages que comporte la France en 1314 (26).  Près de 85 % des destinations sont situées au Nord de la Loire, ce qui montre que la tradition des tournois y est plus solidement ancrée, en ce sens la situation n'a pas changé depuis le XIIème siècle.  Mais comme les mandements adressés aux baillis de BOURGES, d'AUVERGNE et au sénéchal de SAINTONGES montrent qu'ils ne sont pas absents du Sud de la Loire, il faut également y voir la volonté du roi de les interdire dans les régions les plus proches de la capitale.  Le roi semble se désintéresser des conséquences du problème dans ses possessions du Sud de la Loire, comme le POITOU, l'AGENAIS, le QUERCY, la ROUERGUE et le LANGUEDOC, pour cette raison les mandements adressés au bailli d'AUVERGNE et au sénéchal de SAINTONGES visent à coup sûr à réprimer des désordres réels.  Les mandements ne sont envoyés que dans le domaine royal, mais en théorie la juridiction des baillages recouvrait les grands fiefs vassaux, ainsi le Duché de BRETAGNE et le Comté d'ANJOU relevaient du baillage de TOURS et les Comtés d'ARTOIS et de FLANDRES du baillage d'AMIENS, toutefois, il est plus que douteux que les baillis aient été en mesure de faire respecter la législation royale contre la volonté des puissants vassaux du roi.  De plus, l'application des ordonnances était d'autant plus délicate que les tournois n'étaient pas criés à l'échelle des baillages mais à l'échelle des marches d'armes qui se surimposent au découpage administratif du Royaume.  Ainsi si le Duc de BRETAGNE organise un tournoi, la SAINTONGES qui appartient à la marche de BRETAGNE est concernée.  Cet élément ne doit pas être négligé quand on cherche à expliquer les difficultés que connut la monarchie à imposer sa législation en matière de tournois.

 b) le lieu du tournoi

Il semble que la pratique des tournois se soit répandue dans les villes, en témoignent le mandement de Janvier 1304 qui intetdit d'assister les chevaliers : "sejornanz as villes pour cause de tournoi" et l'ordonnance de 1314 qui rappelle que le pape a jeté l'interdit "es villes et es lieux, ou tels faits seroient faits " Auparavant, les tournois étaient exclusivement des phénomènes de rase campagne et se livraient aux marches des principautés, qu'ils se tiennent de plus en plus en ville implique des modifications importantes.  Le champ de l'affrontement est nécessairement délimité et la ville doit se doter, d'infrastructures particulières, la Curne de Sainte Palaye (28) rapporte à ce propos qu'à PARIS des lices étaient plantées exprès pour ces xercices au Palais, au Louvre, à l'hôtel Saint Paul et à l'hôtel des Tournelles, toutefois l'exemple du XVème (29) siècle laisse penser que les villes plus petites n'avaient pas les moyens de se doter de lices permanentes.  En restreignant le champ du combat, celles-ci empêchaient que ne se développe un galop véritable et limitaient donc les dangers.  Le tournoi se discipline et devient de plus en plus un spectacle, le mandement de 1305 atteste la présence de spectateurs puisqu'il reproche aux tournoyeurs de s'être montrés "in propatulo et propalam", dans ce même mandement le roi reconnaît au tournoi son aspect social puisqu'il le qualifie de "torneamentis ludis", il n'est donc pas uniquement une affaire grave mais également l'occasion de réjouissances, en interdisant de vendre aux tournoyeurs des étoffes de couleur, le mandement nous rappelle que le tournoi devait être un spectacle plaisant à regarder.  Le tournoi a au XIVème siècle une popularité qu'il n'avait pas à l'origine, il n'est plus tout à fait la mêlée anonyme qu'il fut.  Toutefois, par bien des aspects il continue à se dérouler sous son ancienne forme.

3) Le déroulement du tournoi

a) La violence

Les romans du XIIIème siècle (30) attestent que des améliorations sont progressivement introduites, les armes émoussées se répandent, les mercenaires sont interdits, le champ du tournoi est délimité pourtant ces innovations n'ont pas suffit à éliminer les excès des tournois puisqu'en 1314 ils sont interdits à cause de la "grant destruction et moralité de chevaux et aucunes fois de personnes".  Les accidents sont fréquents et le roi doit avoir en mémoire lorsqu'il fait rédiger l'ordonnance, l'accident survenu à son oncle Robert de Clermont en 1279, que Fauchet décrit (31) ainsi : "en un de ces tournois reçut tant de coups de masse que le reste de sa vie il s'en porta mal", ces accidents sont inscrits dans la nature de l'exercice qui réunit toutes les conditions pour qu'ils soient fréquents, ils sont dus essentiellement à la violence des coups portés et aux chutes.  L'histoire du tournoi est remplie de morts accidentelles, au XIVème siècle l'exemple le plus connu est celle du Comte d'Eu (33) lors des joutes organisées par Philippe de Valois pour le mariage de son fils.  Mais les plus exposés
étaient encore les chevaux qui se blessaient souvent dans la violence des chocs.  On ne cherchait pas à tuer le cheval de son adversaire, c'était une faute contre les usages de la chevalerie, le discours que fait Hector (34) dans Lancelot du Lac à un chevalier qui lui a tué son cheval est significatif à cet égard, toutefois, les accidents étaient nombreux et il est probable qu'à la longue ils pouvaient gêner la remonte de la cavalerie féodale.  Ces destructions inutiles et cette brutalité donnent l'image d'une pratique qui a peu évolué.  Les ordonnances apportent peu de précisions sur les tournois autres que leur violence, toutefois elles permettent de comprendre les puissantes motivations qui poussent les chevaliers à risquer leur liberté et leur situation en allant tournoyer contre l'interdiction du roi.

b) Tournoi et chevalerie

La fonction de la noblesse était d'exercer le métier des armes, se battre était la condition même de son existence et elle trouvait dans les tournois une des principales occasions de faire chevalerie, pour cette raison l'habitude avait été prise d'adouber les jeunes sur les lieux mêmes de leurs exploits, ce qui contribuait à rehausser l'éclat de leur chevalerie, le mandement de 1312 confirme cet usage, il reproche " plusieurs nobles et grant personnes de nostre garde se sont fait faire et se sont accoutumez de eux faire faire chevaliers esdits tournoiemens".  Ainsi, interdire les tournois revient à empêcher que la promotion de nouveaux chevaliers soit faite dans les conditions accoutumées.  Or, devenir chevalier est la raison d'être du noble qui y est préparé depuis son plus jeune âge, la chevalerie est le principal évènement de son existence, une cérémonie qu'il ne peut pas oublier, aussi il n'est pas surprenant que les désobéissances aient été aussi nombreuses.  Le roi désapprouve cette habitude et préférerait que l'adoubement soit placé sous son égide, durant sa guerre notamment où les batailles s'accompagnent d'importantes promotions de chevaliers, mais en 1312 il prépare les fêtes de chevalerie de ses fils : « entendons donner à nostre très cher ame fils  Loys roy de Navarre, comte de Champaigne et de Brie Palazin et à nos autres deux fils ses frères en ce nouviau temps ordre de chevalerie » et elles seraient d'autant plus réussie que l'interdiction aurait été suivie.  Il ne faut pas sous-estimer l'importance du tournoi lors d'un adoubement, Philippe IV lui même demande une dispense au pape pour que ses fils, encore dans l'éclat de leur récent adoubement, puissent jouter pendant trois jours au carême 1313 (32), et en 1389 lors de la chevalerie des fils du roi de Sicile (35) les joutes durent trois jours et sont magnifiques, la chevalerie se mérite, le tournoi est l'occasion de faire ses preuves.  La Curne de Sainte Palaye (36) décrit la promotion de chevaliers d'origine plus modeste, le grand tournoi était précédé "d'éprouves" encore appelées "Escrémies" ou "vêpres du tournoi", les écuyers y combattaient avec des armes plus légères et les plus vaillants d'entre eux, obtenaient la chevalerie et le droit decombattre dans le tournoi.  Le tournoi n'est donc pas seulement une école pour le métier des armes et une occupation de chevaliers désoeuvrés, il est également une épreuve initiatique qui couronne le passage à la chevalerie.

B) TOURNOI ET SOCIETE

1) Tournoi et Paix

a) Trouble de l'ordre

A l'origine, le tournoi se tenait à travers les champs et les poursuites se faisaient jusque dans les villages (37), on lui reprochait d'être une menace pour les récoltes, au XlVème siècle cette accusation n'est plus valable puisqu'il se tient dans un terrain délimité, toutefois il est de plus en plus ressenti comme un obstacle à la paix.  Cette incompatibilité est formulée dès 1311 mais surtout dans l'ordonnance de 1316 qui l'accuse de troubler "la paix et la sehurté de nostre pueple".  Les exemples du passé montrent bien que le tournoi est un phénomène incontrôlable, ainsi en 1273 celui donné par le Comte de Châlons en l'honneur d'Edouard I qui revient de Palestine (38) se transforme en une véritable bataille rangée, les spectateurs eux-mêmes se jetant dans la mêlée, le jeu dégénère parfois en de véritables règlements de comptes et les haines se perpétuent d'un tournoi à l'autre (39)Mais le principal grief à l'encontre du tournoi naît de la grande concentration d'hommes en armes qui est inévitablement génératrice de tensions, d'autant plus que les tournoyeurs sont surtout des jeunes en quête d'aventures, qui n'hésitent pas à régler leurs différents les armes à la main.  L'ordonnance de Richard I en 1194 (40) qui institue un serment par lequel les tournoyeurs s'engagent à ne pas prendre de nourriture sans payer, prouve qu'ils avaient l'habitude de vivre sur le pays et d'une façon ou d'une autre, la population locale doit supporter d'inévitables excès. L'ordonnance de 1311 en interdisant en même temps le tournoi et le port d'armes montre que la présence d'hommes en armes est ressentie comme une menace et que le principal reproche fait au tournoi ne concerne pas son déroulement mais les désordres qu'il cause ou pourrait causer dans la région qui l'organise.

b) Obstacle à la prospérité

Le tournoi est pourtant un facteur de dynamisme pour l'économie locale.  En effet, à l’époque les populations vivent dans un périmètre réduit et se déplacent peu, en revanche les tournoyeurs sont de grand voyageurs, ainsi le tournoi de MONS en 1310 rassemble des chevaliers venus de BRETAGNE, de NORMANDIE, de CHAMPAGNE ... (41) et comme ils sont de gros consommateurs, leur arrivée est pour les marchands l'occasion de faire des affaires inespérées.  En effet, les ordonnances ne laissent aucun doute à ce sujet, ils s'accompagnent systématiquement d'un "marchiez" où sont vendus "chevaux", "armes" et "vivres" composées essentiellement de "bled" et de "vin".  Les déplacements sont parfois longs et les tournoyeurs ne peuvent emporter les provisions nécessaires, de plus ils doivent remplacer les chevaux et les harnais détruits.  Ainsi l'on constate que le temps de Guillaume le Maréchal n'est pas si loin, le tournoi reste la "foire détestable" villipendée par l'Eglise aux siècles précédents.  Quant à la capture des chevaux, les ordonnances n'en disent rien, toutefois il est pratiquement certain que cet usage se perpétue puisque Geoffroy de Charny (42) atteste que les jouteurs désarçonnés perdaient encore leur monture.  Le tournoi reste donc au XIVème siècle l'occasion d'importantes redistributions de richesses, à ce propos Lambron de Lignim (43) rapporte un exemple qui montre bien l'ampleur que pouvaient atteindre les dépenses, à TOURS, le Seigneur d'Avaugour n'hésite pas à participer à un tournoi "monté Sur un cheval du prix de trois cens livres", la somme est énorme et le roi ne peut tolérer que la noblesse se ruine autrement qu'à son service.

L'intérêt du royaume lui commande d'interdire une pratique qui va à l'encontre de la conception de l'économie de l'époque, celle-ci est clairement énoncée dans l'ordonnance de 1314 qui interdit : "que nul ne traye, ne face traire, mener ou porter hors de nostre royaume, chevaux, armes,  armeures, ne bled, ne vin sans nostre congie especial", la richesse est considérée dans l'accumulation de bien or le tournoi « desgarnist des choses qui necesseres sont a nous et a nos subgez ».  Le marchand est si indispensable que le moyen le plus radical d'empêcher les tournois est d'interdire le commerce avec les tournoyeurs, le mandement de Janvier 1304 stipule : « que nul marchanz... ne meinent ou facent mener par  autres, chevaux, harnois... » les enjeux sont tellement importants que le roi assortit son interdiction de sanctions, les contrevenants s'exposent à la saisie de leur cargaison : "que toutes les dites choses soient forfaites et perdues à eux et acquises à nous".  La conjonction entre tournoi et affaire est étroite, il coûte très cher à la noblesse et s'oppose à l'intérêt général, ce qui fournit au roi une raison supplémentaire de l'interdire.

2) Tournoi et Guerre

a) Incompatibilité avec la guerre

Le paradoxe veut que les tournois qui servent à .exercer les chevaliers en temps de paix soient une menace au bon déroulement de la guerre.  En effet, les destructions y sont si importantes qu'elles amoindrissent de façon significative le potentiel militaire du roi.  Leur interdiction ne met pas en cause leur valeur d'entraînement à la guerre, ils restent le meilleur moyen d'aguerrir la cavalerie, mais répond au souci de disposer de l'ensemble des forces disponibles.  Le roi a également une autre raison pour les interdire, en l'absence de l'ost, une trop grande concentration d'hommes en armes constitue une menace pour son autorité, c'est pour cela qu'en Angleterre, sa sortie du royaume lors des guerres s'accompagne systématiquement de la prohibition des tournois (44).

De plus, les tournois sont de plus en plus en décalage avec la guerre qui a considérablement évolué, de nouvelles armes sont apparues qui ne sont pas employées dans les tournois car elles tuent à coup sûr, ainsi l'arbalète qui modifie considérablement la tactique (45). Au temps de Brémulle (46) une bataille n'était pas plus coûteuse en vies qu’un tournoi, ce n'est plus le cas, les piétons se  soucient peu du code chevaleresque et en 1302 la bataille de COURTRAI  a donné un aperçu du décalage tactique de la chevalerie, qui en attaquant trop tôt, s'est faite tailler en pièces.  La cavalerie lourde conserve un rôle majeur pour enfoncer les lignes -,adverses, mais elle n'est plus qu' une composante de l'armée, la définition du tournoi qui en faisait au XIIème siècle un combat tactiquement semblable à la guerre est dépassée, il n'est plus que l'entraînement de la cavalerie.  La guerre chevaleresque a gardé un caractère dl aventure ou les faits d'armes sont recherchés pour eux-mêmes, mais à partir du moment où il n'y a pas uniquement des chevaliers, la guerre n'est plus chevaleresque, et donc le tournoi contribue à donner une vision tronquée de la guerre, Johan Huizinga (47) a beaucoup insisté sur ce décalage, il considère que "bien que l'idéal chevaleresque ait peut être donné au sentiment guerrier sa forme et sa force, on peut dire que son influence fut plutôt néfaste, car il poussait à sacrifier les droits de la stratégie à ceux de l’esthétique".  Le tournoi est l'incarnation des valeurs chevaleresques, la guerre ne l'est plus, il entretient donc une illusion.  Il est significatif que l'interdiction des tournois survienne à une époque où la guerre est en pleine mutation, sous Philippe le Bel son financement par l'impôt bouleverse la vision tripartite de la société, au même moment le tournoi perdant peu à peu sa valeur de préparation à la guerre, perd du même coup sa justification morale, n'étant plus indispensable, le roi essaie d'en réduire la pratique au maximum.

b) Tournoi et guerre privée

L'interdiction des guerres privées répond aux mêmes désordres que ceux générés par les tournois.  En effet, dans la pratique tournois et guerres privées se ressemblent étrangement, ce sont autant d'occasions de "faire armes" d'ailleurs Dominique Barthélémy (48) constate qu'en 1084 aux limites des territoires des châteaux rivaux de MONTOIRE et LAVARDIN ont lieu des tournois mais aussi de véritables embuscades, d’après Léon Gautier (49), les premiers tournois sont d'ailleurs une forme de la guerre privée, ces deux pratiques sont autant de moyens de régler des différents et les tournois dégénèrent parfois en règlements de comptes (50).  Ils sont si proches dans leurs manifestations que leur répression va dans le même sens, assurer la paix du royaume, l'ordonnance de 1314 montre que dans l'esprit du roi ces deux pratiques sont liées, elle accuse le tournoyeur d'être aussi coupable que "celuy qui manifestement se met à grever et dommagier nostre royaume et nos subgez pat guerre ouverte " pour cette raison les ordonnances les concernant sont rédigées à des dates voisines, ainsi en 1296, 1303, 1314 ... toutefois le roi ne parvient pas à les empêcher définitivement et elles se déroulent tout au long des XIVème et XVème siècles.  Cet échec s'explique par l'incohérence des statuts qu'a souligné Raymond Cazelles (51), le roi avait trop besoin de sa chevalerie pour revenir de façon définitive sur ce qu'elle considérait comme un droit fondamental.  L'ordonnance de 1315 montre bien l'importance qu'accordait la noblesse à la liberté d'user des armes à sa guise, en revanche, elle finit par suivre la législation royale en matière de tournois, signe qu'elle y attachait une importance moins grande mais également que le déclin des tournois s'explique par d'autres facteurs.

3) Tournoi et politique

a) Les conspirations

Guerres privées et tournois sont des manifestations d'un monde féodal et leur domestication va de pair avec l'affirmation de la royauté qu'ils menacent à plus d'un titre.  Ainsi le tournoi apparaît comme un lieu de conspiration privilégié, il se tient à l'échelle du royaume et provoque la rencontre d'hommes qui n'étaient pas appelés à se connaître, des liens solides se créent pendant l'épreuve et les nobles peuvent échanger leurs idées en dehors de la surveillance du roi, en ce sens il contribue à creuser le clivage entre les barons et la cour.  Cet aspect du tournoi prend une importance considérable lorsque souffle un vent de révolte et la crainte de séditions armées a peut-être été le motif principal qui pousse le roi à interdire le tournoi en 1314.  L'Angleterre fournit des exemples précis de conspirations lors des tournois, ainsi selon J. Barber et M. Keen (52), il est probable qu'en Mars 1309 au tournoi de Dunstable, les principaux barons discutèrent de leur mécontentement et mirent au point la pétition qui déboucha sur l'ordonnance de réforme autorisée un mois plus tard au Parlement de STAMFORD.  Par ailleurs, le tournoi en tant qu'entraînement à la guerre, possède la même valeur de manifestation politique que des manoeuvres militaires, l'ordonnance de 1311 qui interdit en même temps le tournoi et le port d'armes montre combien le roi se sentait directement menacé par ces concentrations de guerriers.  Cette pratique était encore plus courante en Angleterre où l'histoire des tournois recoupe de près celle des factions, ainsi en 1215 (53) c'est sous prétexte de tournoi que les ennemis du roi Jean assemblent leurs troupes pour faire éclater la rébellion et en 1312 les barons opposés à Gaveston procèdent de même pour réunir leurs troupes avant de le capturer.  Le contrôle des tournois est donc un enjeu essentiel pour le roi.

b) Lutte autour d'un symbole

La multiplication des ordonnances sous Philippe le Bel montre que beaucoup passent outre les interdictions, le roi est obligé tout au long de son règne de réactualiser la prohibition, de menacer ses baillis qui mettent de la mauvaise volonté à l'appliquer, cette vogue des tournois qui surprend vu leur déclin à la fin du siècle précédent, trouve une explication dans le contexte politique.  Les tournois connurent leur apogée en un temps où le pouvoir royal était estompé par celui des princes territoriaux, et la désobéissance au roi est un moyen pour une noblesse de plus en plus tenue à l'écart des affaires, de montrer sa présence politique et sa puissance militaire.  L'affirmation de la royauté se fait au détriment des usages coutumiers de la noblesse et à la fin du règne de Philippe le Bel les rapports du roi et de ses vassaux se sont profondément détériorés, aussi dans ce contexte, le tournoi devient le symbole d'une liberté retrouvée et de l'indépendance de la noblesse, il n'est pas impossible que les interdictions royales aient réactivé , par réaction, le goût des tournois qui était quelque peu passé de mode.  En effet, 1316 consacre l'échec de la noblesse qui n'a pas su concrétiser politiquement son mécontentement, le roi contrôle de nouveau la situation, or 1316 est également la date de la dernière ordonnance contre les tournois et donc une fois que la noblesse a cessé sa contestation, les ordonnances royales sont définitivement respectées, le roi n'a pas besoin d'en promulguer de nouvelles, il est désormais admis que le contrôle des tournois est une prérogative royale.  Au delà de la pure interdiction des tournois, les ordonnances ont soulevé le problème plus profond d'une noblesse mal dans sa peau qui s'attache au tournoi comme symbole de sa grandeur passée.

NOTES DE LA PREMIERE PARTIE

Avertissement : les dates sont citées dans l'ancien style.

1)  MENESTRIER, 1669, p 270

2) DU CANGE, 1819, p 110

3) DOMINIQUE BARTHELEMY, L'ordre seigneurial dans Nouvelle histoire de la France médiévale, tome III, PARIS, 1990, p 207

4) PAR15SE, 1985, p 182

5) JUSSERAND, 1901, p 49

6) LAMBRON de LIGNIM, 1855, p 1

7) JUSSERAND, 1901, p 50

8) PARISSE, 1985, p 182

9) JUSSERAND, 1901, p 94

10) JUSSERAND, 1901, p 41

11) GAUCHE- 1980, p 67

12) GAUCHE, 1981, p 204

13) VULSON de la COLOMBIERE, 1648, p 255

14) CRIPPS-DAY, 1918, appendice I p VIII

15) PARISSE, 1980, p 285

16) PARISSE, 1985, p 210

17) CONTAMINE, 1985, p 435 - 436

18) LANGLOIS, 1889, p 86

19) DENHOLM-YOUNG, 1946, p 250

20) DENHOLM-YOUNG, 1946, p 246-247

21) DENHOLM-YOUNG, 1946, p 251

22) DENHOLM-YOUNG, 1946, p 244

23) DENHOLM-YOUNG, 1946, p 260 à 262

24) JUSSERAND, 1901, p 82 - 83

25) CRIPPS-DAY, 1918, appendice 1 P VII

26) Michel MOURRE, Dictionnaire encyclopédique d'histoire p 441

27) Carte tirée de R.S. LOPEZ, Naissance de l'Europe Xè- XIVème siècle , PARIS, 1962

28) La CURNE de SAINTE PALAYE, 1759,- 1781, p 131

29) LAMBRON de LIGNIM, 1855, p 59

30) GAUCHE, 1980, p 65

31) La CURNE de SAINTE PALAYE, 1759 - 1781, p 198

32) CONTAMINE, 1985, p 425
33) La CURNE de SAINTEPALAYE, 1759   1781, p 144
34) CONTAMINE, 1985, p 433

35) JUVENAL des URSINS, 1836, p 379
36) La CURNE de SAINTE.PALAYE, 1759   1781, p 26

37) JUSSERAND, 1901, p 56

38) JUSSERAND, 1901, p 72

39) DENHOLM-YOUNG, 1946, p 255 - 256

40) DENHOLM-YOUNG, 1946, p 244

41) CONTAMINE, 1985, p 429

42) CONTAMINE, 1985, p 431

43) LAMBRON DE LIGNIM, 1855, p 8

44) DENHOLM-YOUNG, 1946, p 261

45) CONTAMINE, 1986, p 166

46) CONTAMINE, 1986, p 414

47) HUIZINGA, 1975, p 121

48) BARTHELEMY, 1989, p 22

49) CRIPPS-DAY, 1918, p 5

50) LA COLOMBIERE, 1648, p 255

51) CAZELLES, 1960, p 544

52) BARKER et KEEN, "The English Kings and the medieval tournaient dans Das ritterliche turnier in Mittelalter Göttingen, 1985, p 218